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Channel: inégalités – L'éducation déchiffrée
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L’année scolaire dans le primaire est-elle trop chargée en France ?

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Adapter les ressources aux besoins des élèves et optimiser l’utilisation du temps constitue un défi majeur pour la politique de l’éducation. Les pays se distinguent selon leurs choix en ce qui concerne le temps total d’instruction et la sélection des matières obligatoires du programme. Ces choix reflètent les priorités et les préférences nationales à propos de ce qui doit être enseigné aux élèves en fonction de leur âge. Avoir un bon rythme scolaire est aussi l’une des composantes majeures d’une scolarité efficace. Le nombre d’heures d’instruction scolaire et extrascolaire est donc un indicateur important des possibilités d’apprentissage qui s’offrent aux élèves.

Des hésitations sur la politique à mener en France

Le thème abordé dans cet article n’est pas nouveau et vous en avez, à coup sûr, entendu parler, tellement ce sujet est récurrent dans le débat public en France depuis bientôt cinq ans. Pas une semaine ne passe sans que l’on ne s’interroge sur le rythme le plus propice à la réussite des élèves du primaire. Et les réformes fusent en tous sens.

Ainsi, en septembre 2008, le gouvernement décidait de changer les rythmes scolaires du primaire en réduisant le volume horaire hebdomadaire de 26 à 24 heures et en répartissant ces 24 heures sur 4 jours de cours au lieu des 4 jours et demi d’avant. Cette réforme a conduit à la fermeture des écoles le samedi et a fait couler beaucoup d’encre. Aujourd’hui, elle est remise en cause et tout laisse présager qu’à partir de la rentrée scolaire 2013, on reviendra partiellement en arrière en réhabilitant la semaine de 4 jours et demi et en rouvrant les écoles une matinée supplémentaire, mais cette fois-ci le mercredi matin pour prendre en compte l’augmentation importante du phénomène des familles recomposées dans la société française.

Rassurez-vous, d’autres pays hésitent aussi sur le rythme à adopter, mais souvent, les réformes qu’ils entreprennent sont associées à des objectifs plus ciblés qu’en France. L’Allemagne a, par exemple, décidé d’investir financièrement dans le primaire pour créer des cantines scolaires, et ainsi allonger la journée des écoliers et mieux encadrer leurs difficultés scolaires. De même, la Corée du Sud, qui réussit pourtant très bien dans les évaluations internationales, a trouvé que l’excès de cours privés soumettait les élèves à une pression trop importante, conduisant à une augmentation de la violence. La Corée du Sud souhaiterait donc alléger, dans les prochaines années, le nombre d’heures de cours dédiées aux apprentissages dits fondamentaux (compréhension de l’écrit et mathématiques) pour laisser plus de place dans le programme aux sports et aux matières artistiques.

On le voit bien ici, les pays recherchent souvent le rythme idéal qui alliera efficacité et bien-être pour les élèves. Mais comment l’école primaire française se situe-t-elle ? Ses rythmes scolaires sont-ils atypiques comme on l’entend souvent ? Quelle est leur efficacité pour faire face aux difficultés scolaires des élèves ?

Un volume horaire annuel proche de la moyenne des pays de l’OCDE dans le primaire

Si l’on se fie au volume horaire annuel des élèves de 7 et 8 ans en France (axe vertical sur le graphique), on ne peut pas conclure, malgré les idées reçues, que la France soit si atypique par rapport aux autres pays de l’OCDE. Le temps d’instruction prévu est, en moyenne dans les pays de l’OCDE, de 790 heures par an chez les élèves de 7 et 8 ans, contre 847 heures pour la France (rappelons que ce chiffre s’élevait à 910 heures par an avant la réforme de 2008). Toujours sur ce graphique, on constate que de nombreux écoliers – dans des pays européens tels que l’Angleterre, l’Espagne ou les Pays-Bas, par exemple – reçoivent annuellement dans le primaire plus d’heures de cours que les écoliers français. Arrêtons-nous encore un instant sur le cas de la Corée du Sud dans ce graphique (bon, j’en reviens tout juste, c’est le fuseau horaire coréen qui doit hanter mon article) : le nombre annuel d’heures d’instruction y est faible, mais c’est sans compter que tous les élèves suivent des cours privés après l’école (ce que cette statistique ne reflète pas) ; les journées d’écoles y sont donc bien plus longues que ne l’indique ce graphique.

Graphique : Les rythmes scolaires dans le primaire

Seulement 35 semaines de cours par an et 4 jours d’école par semaine en France

Cependant, le coté atypique du système français ressort lorsque l’on observe le nombre annuel de semaines de cours ou le nombre hebdomadaire de jours de cours. En substance, le système français se caractérise par l’une des journées scolaires les plus longues des pays de l’OCDE. L’année scolaire s’étale en France sur 35 semaines dans le primaire (les statistiques déduisent les jours fériés), contre 38 semaines en moyenne dans les pays de l’OCDE (voir graphique), et sur 4 jours par semaine, contre 5 jours dans la plupart des pays de l’OCDE. À titre de comparaison, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les écoliers reçoivent plus d’heures d’instruction dans une année qu’en France, mais ces heures sont réparties sur respectivement 40 et 38 semaines de cours, et sur 5 jours d’école par semaine. Concrètement, dans ces deux pays, les journées débutent vers 9 heures et se terminent vers 15 heures, alors qu’elles commencent à 8h30 et se terminent à 16h30 en France.

Un programme centré sur les fondamentaux en France, au détriment des matières artistiques

La réforme de 2008 avait été mise en place sans allégement des programmes sur les apprentissages dits « fondamentaux » (compréhension de l’écrit et mathématiques) dans le primaire, aux dépens des activités artistiques, mais aussi des temps de repos. Entre 7 et 8 ans, 59 % du programme obligatoire est consacré à la compréhension de l’écrit et aux mathématiques en France, contre 48 %, en moyenne, pour les pays de l’OCDE. Par contraste, les disciplines artistiques représentent 9 % du programme obligatoire en France, contre 12 %, en moyenne, dans les pays de l’OCDE.

 Cette réforme pouvait s’expliquer par le taux élevé d’échec scolaire en France (voir le premier article du blog) et la nécessité de recentrer le programme scolaire sur les fondamentaux. Mais la semaine n’étant que de 4 jours dans le primaire, le temps de concentration demandé chaque jour aux élèves pour acquérir ces compétences de base est trop important, ce qui peut aussi expliquer, en partie, le décrochage de certains et la perte d’efficacité de la réforme.

 La réforme des rythmes est donc nécessaire mais, à elle seule, ne suffira pas

 Si l’on s’en tient aux éléments développés dans cet article, le nombre d’heures dans une année scolaire n’est pas trop important en France dans le primaire, mais le nombre de semaines de cours par an combiné à la semaine de 4 jours conduit à une journée scolaire trop fatigante pour les élèves et trop concentrée sur l’acquisition des fondamentaux.

Voici pourquoi on parle d’un rythme scolaire atypique en France. Les chercheurs spécialisés en chronobiologie recommandent, pour plus d’efficacité dans l’acquisition des savoirs, un rythme de 7 semaines de cours suivies de deux semaines de vacances, ce que le rythme actuel ne propose pas. De même, ils recommandent de raccourcir de deux semaines les vacances d’été afin d’étaler le nombre de semaines de cours sur l’année, comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays de l’OCDE.

Le passage à la semaine de 4 jours et demi et l’allongement de l’année scolaire (qui, faut-il le rappeler, étaient aussi des recommandations de la commission qui a travaillé sur les rythmes scolaires sous l’ancien gouvernement) ne conduiront à une amélioration des performances que si la réforme des rythmes scolaires est associée à une réforme globale visant à diminuer le taux d’échec scolaire. Les nouveaux rythmes scolaires du primaire doivent permettre d’intégrer plus de souplesse dans l’organisation de la journée scolaire, de trouver des plages moins concentrées dans la semaine pour l’acquisition des fondamentaux et d’allouer des sessions mieux placées – par rapport, par exemple, à l’heure du déjeuner – au soutien scolaire. Enfin, la réforme doit être associée à une véritable réflexion sur la pédagogie pour donner plus de place aux cours didactiques, aux activités en petits groupes et aux matières artistiques, afin d’individualiser davantage l’enseignement et de gérer l’échec scolaire autrement que par le redoublement.

La semaine prochaine, je m’intéresserai justement au redoublement, à son coût et son efficacité. Vous pouvez retrouver plus d’informations sur les rythmes scolaires dans l’indicateur D1 de Regards sur l’éducation (www.oecd.org/edu/rse2012), notamment sur les rythmes scolaires au collège et au lycée.

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