Depuis 50 ans, les systèmes d’éducation sont en plein essor
La proportion de jeunes titulaires d’un diplôme – CAP, Baccalauréat ou diplôme du supérieur en France - est un des indicateurs clé des publications de l’OCDE. Plus cette proportion est élevée, plus les commentaires sont en général élogieux sur les pays en question. Les chiffres mettent en évidence l’expansion des systèmes éducatifs sur ces 50 dernières années. En 1960, suivre des études supérieures était l’apanage d’un petit nombre et même l’accès au secondaire était fermé à la majorité des jeunes dans de nombreux pays. Alors qu’aujourd’hui, l’immense majorité de la population a suivi un enseignement du secondaire et la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur s’élève à plus d’un adulte sur trois.
La France n’échappe pas à ce constat …
On rappelle régulièrement que la France a rattrapé le retard qu’elle pouvait déplorer ces dernières décennies en matière de niveau d’éducation de sa population. De façon chiffrée, seulement 56 % des adultes âgés de 55-64 ans disposent en France d’un diplôme au moins équivalent au baccalauréat, CAP ou BEP (contre 62 % en moyenne dans les pays de l’OCDE) alors que 84 % des jeunes de 25 à 34 ans en ont un (contre 82 % en moyenne).
Les progrès sont donc notables et le constat est encore plus positif pour l’enseignement supérieur sur les 30 dernières années avec 43 % de la population française diplômée de ce niveau chez les 25-34 ans contre seulement 18% pour les 55-64 ans. À titre indicatif, c’est en Corée, au Japon, au Canada et en Fédération de Russie, que le pourcentage de diplômés de l’enseignement supérieur est le plus élevé chez les 25-34 ans avec plus de 55 % des jeunes adultes qui ont atteint ce niveau (voir Indicateur A1 de Regards sur l’éducation 2012).
… et le diplôme est devenu fondamental pour l’insertion professionnelle
Certes, d’un point de vue quantitatif, on peut donc se féliciter de cette progression. Mais il est également logique de s’interroger sur le bien-fondé de cette stratégie. Les diplômes permettent-ils vraiment une meilleure intégration sur le marché du travail pour les individus qui les suivent? Cela revient finalement à évaluer l’aspect qualitatif des programmes.
Voici donc 5 statistiques de Regards sur l’éducation qui mettent en évidence le bénéfice individuel et pour la société de l’obtention d’un diplôme. Cinq statistiques qui n’incitent pas à dire « stop » à cette expansion des qualifications observée dans les pays de l’OCDE.
1. En France, comme dans la plupart des pays de l’OCDE, on ne peut pas encore parler d’inflation scolaire
L’offre d’emplois hautement qualifiés sur le marché du travail est généralement bien supérieure à l’offre potentielle de diplômés de l’enseignement supérieur. La différence n’est inférieure à 5 points de pourcentage qu’au Canada, en Espagne, aux États-Unis et en Israël (voir l’indicateur A1 de Regards sur l’éducation 2008). De plus, ces dix dernières années, l’avantage financier relatif que procure un diplôme de l’enseignement supérieur est resté stable dans la plupart des pays, ce qui montre que la demande d’individus plus qualifiés est toujours forte.
2. Les diplômés du supérieur contribuent à la croissance économique, même en temps de crise.
Plus de 50 % de la croissance du produit intérieur brut (PIB) enregistrée dans les pays de l’OCDE ces dix dernières années s’explique par la croissance des revenus du travail des diplômés de l’enseignement supérieur. Plus encore, alors que le début de la crise économique a été observé en 2008, la croissance des revenus du travail des diplômés de l’enseignement supérieur a malgré tout augmenté en 2009 dans 14 des 20 pays ayant des données disponibles pour cet indicateur (voir l’indicateur A10 de Regards sur l’éducation 2012).
3. Plus le diplôme est élevé, plus hautes sont les rémunérations
Certes, cette relation semble assez logique ! Cependant, les écarts augmentent avec l’élévation du niveau d’études. Dans les pays de l’OCDE, les diplômés de l’enseignement supérieur peuvent espérer gagner, en moyenne, 55 % (contre 47 % en France) de plus que les diplômés du secondaire (voir l’indicateur A8 de Regards sur l’éducation 2012).
4. Les perspectives d’emploi s’améliorent avec l’élévation du niveau de formation
Dans l’ensemble, les perspectives d’emploi s’améliorent avec l’élévation du niveau de formation dans les pays de l’OCDE. En moyenne, le taux d’emploi des diplômés du secondaire est supérieur de 18.2 points de pourcentage à celui des individus qui ne sont pas diplômés. De même, les taux d’emploi masculins et féminins de 2010 s’établissent respectivement, en moyenne, à 69.1 % et 48.7 % chez ceux qui n’ont pas obtenu de baccalauréat ou équivalent, alors qu’ils sont de 88.3 % et 79.3 % chez les diplômés de niveau universitaire (voir l’indicateur A7 de Regards sur l’éducation 2012).
5. Encore plus en temps de crise, ceux qui souffrent du chômage sont ceux qui n’ont pas de diplômes.
Depuis le début de la récession mondiale en 2008, les individus qui ne sont pas diplômés au moins du secondaire ont été les plus durement touchés par le chômage. C’est en Espagne, en Estonie, aux États-Unis, en Irlande et en Islande que les taux de chômage ont le plus augmenté, entre 2008 et 2010 (voir graphique 1).
Graphique 1 : Le chômage et la crise économique
Taux de chômage dans la population âgée de 25 à 64 ans, selon le niveau de formation (2008, 2009 et 2010)
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Source : OCDE, Indicateur A7 de Regards sur l’éducation 2012.
La crise économique a également touché les diplômés du secondaire et de l’enseignement supérieur, mais dans une moindre mesure. Dans l’ensemble, le taux de chômage des 25-64 ans diplômés de l’enseignement supérieur a augmenté de 1.4 point de pourcentage entre 2008 et 2010, passant de 3.3 % à 4.7 % contre respectivement 3.7 point de pourcentage (de 8.8 a 12.5%) chez ceux qui n’ont pas atteint le niveau du secondaire.
Tous ces points expliquent aussi pourquoi les indicateurs de l’OCDE montrent que l’augmentation du niveau d’éducation va de pair avec un plus grand bien-être et une meilleure santé. Ainsi, le niveau de formation peut être considéré comme une variable prédictive de l’espérance de vie. Selon la moyenne calculée sur la base de 15 pays de l’OCDE, un homme de 30 ans peut espérer vivre jusqu’à 81 ans s’il est diplômé de l’enseignement supérieur, mais jusqu’à 73 ans seulement s’il n’est pas diplômé du secondaire (voir l’indicateur A11 de Regards sur l’éducation 2012).
Cependant, des progrès doivent être réalisés pour améliorer les débouchés de certaines filières en France
La massification observée dans les années 80 en France est donc une bonne chose et l’on comprend mieux les objectifs fixés d’atteindre 50% d’une classe d’âge titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur d’ici 2020. Il faut aussi rappeler qu’en France, les 150 000 jeunes qui sortent du système d’éducation chaque année sans diplôme se retrouvent en situation d’extrême précarité sur le marché du travail. Ainsi, la proportion des jeunes non scolarisés au chômage dans la tranche d'âge des 20-24 ans ayant un niveau de formation inférieur au secondaire est de 16% en moyenne en 2010 alors qu’il est d’au moins 25 % dans un petit groupe de pays incluant la France et comprenant aussi l’Espagne, l’Estonie, l’Irlande et la République slovaque.
Alors certes, l’orientation et le contenu des filières doivent évoluer en France, car certaines n’ont pas suffisamment de débouchés sur le marché du travail et parce que trop de jeunes (notamment les bacheliers professionnels) sont en situation d’échec dans les premières années universitaires, mais, dans sa globalité, avoir un diplôme (même un CAP ou un baccalauréat) est bien la meilleure protection aujourd’hui pour les jeunes. Et encore plus dans un pays comme la France où l’insertion professionnelle est délicate pour les moins diplômés.
La semaine prochaine, je ferai un éclairage sur la formation des enseignants en Finlande et sur les réformes qui ont étés réalisées dans ce pays dans les années 90.