La Direction de l’Éducation et des compétences de l’OCDE vient de sortir une note sur le climat de discipline au sein des classes qui donne des éléments comparatifs fort intéressants. D’un point de vue méthodologique, l’indice sur le climat de discipline a été calculé à partir des réponses des élèves de 15 ans à différentes questions relatives aux conditions d’apprentissage. Il leur était ainsi demandé dans PISA 2009 à quelle fréquence (« Jamais ou presque jamais », « À quelques cours », « À la plupart des cours », « À tous les cours ») les situations suivantes se produisaient-elles dans leur classe :
a) Les élèves n’écoutent pas ce que dit l’enseignant.
b) Il y a du bruit et de l’agitation dans la classe.
c) L’enseignant doit attendre un long moment avant que les élèves se calment.
d) Les élèves ne peuvent pas bien travailler.
e) Les élèves ne commencent à travailler que bien après le début du cours.
Constat majeur, presque partout, les classes offrent un climat propice à l’apprentissage. Cependant, la France fait partie des pays avec le niveau d’indiscipline le plus élevé…
Premier enseignement de ces données, le climat de discipline demeure globalement bon dans la plupart des pays de l’OCDE et donc dans la majorité des classes. Ainsi, environ 3 élèves sur 4 indiquent qu’il y a peu de cours, voire aucun, « où ils ne commencent à travailler que bien après le début »; « où ils n’écoutent pas l’enseignant » et « où l’enseignant doit attendre un long moment avant que les élèves ne se calment ». Dans la même veine, 81 % indiquent qu’ils suivent des cours où ils peuvent bien travailler et 68 % indiquent peu de cours, voire aucun, où le bruit et l’agitation affectent l’enseignement (voir graphique 1).
Graphique 1 Climat de discipline : pourcentage d’élèves ayant déclaré que les situations suivantes surviennent « dans la plupart » ou « à tous les cours » dispensés dans leur langue d’enseignement
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Malheureusement, la France apparait en queue de peloton quand il s’agit d’analyser le classement international sur cet indicateur. Le résultat est même particulièrement préoccupant sur certaines questions de l’indice. Ainsi, près d’un élève de 15 ans sur deux (44%) s’estime gêné par le bruit et l’agitation durant les cours (contre 1 sur 3 pour la moyenne OCDE) et 36% d’entre eux déclarent que l’enseignant doit attendre un long moment avant que les élèves ne se calment (contre 1 sur 4 en moyenne OCDE).
… et l’indiscipline au sein des classes a gagné du terrain entre 2000 et 2009.
Autre élément inquiétant, le climat de discipline s’est dégradé en France entre 2000 et 2009. Certes, on peut faire le même constat dans de nombreux autres pays de l’OCDE et cela doit d’ailleurs clairement alerter les décideurs politiques, mais là encore la dégradation observée est plus accentuée en France qu’ailleurs. Ainsi, dans les pays de l’OCDE, la proportion d’élèves estimant que « les élèves n’écoutent pas l’enseignant » a augmenté de 3 points de pourcentage en moyenne, passant de 25% en 2000 à 28% en 2009 alors que dans le même temps elle augmentait de plus de 8 points de pourcentage en France pour atteindre 36% en 2009.
Le classement sur cet indice confirme certaines idées reçues sur les systèmes éducatifs mais propose aussi quelques surprises telles que la place de la Finlande
Sans surprise, les pays asiatiques s’en sortent bien dans ce classement malgré des tailles de classe bien plus élevées que la moyenne OCDE. Ils se retrouvent tous sans exception dans le premier tiers du classement où l’on retrouve également nombre de pays anglo-saxons. Mettons tout de même un bémol à ces bons résultats. En effet, la pression de réussite est si forte dans les pays asiatiques qu’elle génère bien souvent chez les élèves une grande anxiété vis-à-vis de l’apprentissage ou même un sentiment de mal-être à l’école comme cela avait pu être observé par exemple en Corée et au Japon. À titre indicatif, la Corée s’engage dans une réforme pour diminuer la pression scolaire exercée par le système sur les élèves.
Plus surprenant, la Finlande est mal placée alors qu’on vante la performance globale de ce pays dans les études PISA. Et pourtant ce résultat n’est pas si surprenant, car, malgré de très bons résultats dans les enquêtes internationales, la Finlande est l’un des pays où l’écart de performance en compréhension de l’écrit entre garçons et filles de 15 ans (à l’avantage des filles) est le plus élevé. Plus encore, le climat de discipline d’est dégradé en Finlande entre 2000 et 2009, principalement à cause du manque d’intérêt des garçons pour certaines matières. Ce phénomène suscite d’ailleurs un grand débat sociétal en Finlande, avec pour question principale « comment rendre plus attractif l’apprentissage de certaines matières pour les garçons ?».
Un climat de discipline propice à l’apprentissage permet d’obtenir de meilleures performances mais le facteur socio-économique explique en partie cette relation
Autre conclusion de cette étude, le climat de discipline de la classe et de l’établissement influe sur l’apprentissage et donc sur la performance des élèves. Les classes et les établissements qui connaissent davantage de problèmes de discipline sont moins propices à l’apprentissage, car les enseignants sont contraints de passer plus de temps à ramener l’ordre avant de pouvoir enseigner à proprement parler. Dans les 34 pays de l’OCDE ayant participé à l’enquête PISA 2009, les élèves fréquentant un établissement où le climat en classe est plus propice à l’apprentissage tendent à obtenir de meilleurs résultats. Cependant, il convient de nuancer ce résultat car d’autres facteurs de causalité expliquent la relation observée entre indiscipline et performance.
Ainsi, les établissements qui bénéficient d’un meilleur climat de discipline présentent également d’autres caractéristiques étroitement liées à un meilleur niveau de performance. En France et dans 20 autres pays de l’OCDE sur les 34 de l’étude, il existe une corrélation positive entre le climat de discipline de l’établissement et le statut socio-économique moyen de son effectif d’élèves. En d’autres mots, dans ces pays, les élèves issus d’un milieu socio-économique défavorisé sont moins susceptibles que les élèves issus d’un milieu socio-économique favorisé de bénéficier d’un bon climat de discipline en classe.
Lutter contre l’échec scolaire dans les établissements difficiles est un levier important pour aider à améliorer le climat de discipline.
L’indiscipline dans les classes est bien souvent associée à un manque d’intérêt et/ou de compréhension de ce qu’on apprend en classe qui se traduit par une perte de concentration des élèves et un décrochage scolaire. Dans ce sens, soutenir les élèves en difficulté est important pour créer un contexte susceptible en finalité d’améliorer le climat de discipline au sein des classes. Donner des moyens aux établissements difficiles l’est tout autant car échec scolaire et indiscipline sont souvent reliés au handicap socio-économique de départ. Le Portugal a d’ailleurs suivi ce chemin dans les années 2000 et en a retiré des bénéfices assez rapidement si l’on se fie aux progrès significatifs des élèves de 15 ans entre 2000 et 2009. Plus encore, le Portugal se retrouve également bien placé sur l’indice de climat de discipline et en progrès par rapport à PISA 2000 alors que dans le même temps les autres pays latins se retrouvent proche de la moyenne (Italie et Espagne) ou en queue du peloton comme la France et Grèce.
L’indiscipline grandissante observée dans les classes en France n’est pas nécessairement une fatalité, il y a véritablement des possibilités d’amélioration. Cela devra passer par la mise en place de politiques efficaces pour lutter contre l’échec scolaire et notamment dans les milieux défavorisés.
Vous pouvez retrouver d’autres informations sur le sujet dans la note suivante (http://www.oecd.org/pisa/pisainfocus/47954912.pdf) ou en écoutant l’interview que j’ai donnée sur le sujet à cette adresse : http://www.franceinfo.fr/education-jeunesse/question-d-education/l-ordre-scolaire-plus-fort-que-les-inegalites-sociales-1147661-2013-09-20.