La société évolue rapidement et, avec elle, les compétences que l’on exige des jeunes adultes pour être bien armés et réussir leur parcours professionnel. Analyser des informations, résoudre des problèmes et travailler en équipe, voici par exemple quelques-unes des compétences requises sur le marché de l’emploi à l’heure actuelle.
La méthodologie de l'évaluation des compétences des adultes (étude PIAAC)
L’étude de l’OCDE (sortie le 8 octobre 2013) mesure le niveau de compétences des adultes et l’utilisation de ces compétences dans le cadre professionnel. Jusqu’alors, les recherches en la matière se limitaient à la comparaison des qualifications obtenues entre les différents pays de l’OCDE. Cette enquête va donc permettre de nombreuses nouvelles analyses.
Dans le cadre de l’étude PIAAC, près de 166 000 adultes âgés de 16 à 65 ans ont été testés (après une sélection sur la base d’échantillons représentatifs des populations des 24 pays participants). Ils représentent tous ensemble plus de 724 millions d’adultes dans le monde entier. L’étude évalue les compétences suivantes :
- la capacité de comprendre et de réagir de façon appropriée aux textes écrits (littératie) ;
- la capacité à utiliser des concepts numériques et mathématiques (numéracie); et
- la capacité à accéder à des informations (trouvées, transformées et communiquées) dans des environnements numériques, à les interpréter et à les analyser (résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique).
Les compétences sont mesurées sur des échelles de 500 points divisées en six niveaux (niveaux 1 à 5 et niveau inférieur au niveau 1). Chaque niveau résume ce que les individus obtenant un score donné peuvent accomplir. Plus le niveau est élevé, plus les compétences le sont.
Les enseignements de l’étude PIAAC pour la France
On peut dégager cinq grands constats pour la France en parcourant cette étude:
1. La France se trouve mal placée dans le classement PIAAC. En général, il existe un lien étroit entre les performances à l’évaluation PISA à l’âge de 15 ans et les résultats à l’enquête PIAAC.
Globalement, et il n’y a là rien de surprenant, les pays où les élèves ont pris un bon départ à l’école obtiennent plus tard de bons résultats à l’étude PIAAC. La Finlande et le Japon arrivent ainsi en tête en littératie et numéracie. Dans ces deux pays, un adulte de 16 à 65 ans sur cinq fait état des compétences les plus élevées en littératie et en numéracie. On retrouve également dans ce peloton de tête les Pays-Bas et l’Australie qui sont deux pays souvent mis en avant dans l’étude PISA (graphique 1). Seule la Corée se situe à une place surprenante dans l’enquête PIAAC (juste au niveau de la moyenne)malgré les bons résultats de ce pays à l’enquête PISA ; mais on verra plus loin dans l’article que les écarts entre générations expliquent ce résultat.
À l’autre extrême, de nombreux individus ne parviennent même pas à maîtriser les compétences les plus élémentaires. En Italie et en Espagne, seul un adulte sur vingt atteint le niveau de compétences le plus élevé.
Graphique 1 : Scores obtenus par les adultes âgés de 16 à 65 ans sur les échelles PIAAC de littératie et numéracie
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La France, quant à elle, se classe parmi les derniers dans cette étude. Seuls les adultes italiens et espagnols obtiennent de moins bons scores sur les deux échelles de compétence, et les États-Unis uniquement sur l’échelle de numéracie. Plus encore, et contrairement à l’étude PISA pour les élèves performants, les adultes avec un niveau élevé de compétences sont eux aussi en minorité. Seuls 8 % des adultes français (âgés de 16 à 65 ans) se situent aux deux niveaux les plus élevés de compétence en littératie et numéracie(niveaux 4 et 5), contre 12 % en moyenne dans les pays de l’OCDE participant à l’enquête.
Constat encore plus inquiétant, qui cette fois fait écho à PISA, la proportion d’adultes français obtenant de faibles scores en littératie (niveau inférieur ou égal au niveau 1) est l’une des plus importantes parmi les pays participants : 21,6 %, contre 15,5 %, en moyenne, dans les pays de l’OCDE participant à l’enquête.
Les écarts semblent faibles entre les pays en terme de score (voir graphique 1) mais il faut garder à l’esprit que 7 points de différence représentent environ une année d’études. En d’autres termes, les adultes finlandais et japonais ont plus de 6 ans d’avance sur leurs homologues italiens ou espagnols.
2. En France, les plus jeunes sont quasiment au niveau de la moyenne de l’OCDE dans l’enquête PIAAC.
Le premier constat était cruel. Cependant, il faut noter que la France a fait beaucoup de progrès ces dernières décennies en matière de niveau d’éducation et de compétences de sa population. Et l’on oublie trop souvent de le dire, même si ça ne doit pas cacher les points négatifs. Les mauvaises performances de la France sont en bonne partie imputables aux résultats des 45-65 ans, tandis que les 16-44 ans obtiennent des scores plus proches de la moyenne (bien que toujours inférieurs à cette dernière).
Dans le même temps, certains pays ont progressé dans l’amélioration des niveaux de compétences de façon fulgurante. La Corée, par exemple, se classe parmi les trois pays en queue de peloton pour la classe d’âge 55-64 ans, alors que pour les 15-24 ans, elle talonne le Japon, premier du classement. À la fin du secondaire, les jeunes coréens de 18 ans ont même un meilleur niveau en littératie et en numéracie que les diplômés du supérieur en Italie. En Finlande, si les personnes plus âgées se situent dans la moyenne, la jeune génération se distingue par d’excellents résultats, au niveau de ceux du Japon, de la Corée et des Pays-Bas (voir graphique 2).
Il y a donc eu un « rattrapage » de compétences en France sur ces dernières décennies. Mais plus l’âge augmente, plus les scores obtenus s’éloignent de la moyenne de l’OCDE (voir graphique 2). Quand on voit les résultats des seniors sur le graphique, on ne peut que penser à l’indicateur de l’OCDE sur la formation professionnelle qui montrait combien elle était insuffisamment développée pour les plus âgés et les moins diplômés en France par rapport aux autres pays de l’ÓCDE. Il serait peut-être temps de remédier à cela ! (voir aussi : http://educationdechiffree.blog.lemonde.fr/2013/05/02/la-formation-professionnelle-en-france-et-si-on-en-parlait/)
Graphique 2 : Scores obtenus par les plus jeunes (16-24 ans) et les plus âgés (55-65 ans) sur l’ensemble des adultes de 16 à 65 ans, sur l’ échelle de litératie (pour une sélection de pays)
Les scores des 16-24 ans sont représentés par des carrés, ceux des 55-65 ans par des ronds
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3 Le vivier de talents se réduit dans certains pays mais une utilisation optimale des compétences sur le marché de l’emploi peut compenser le handicap initial.
La réserve de talents se réduit dans certains pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis et à un degré moindre la Norvège (voir graphique 1), et c’est tout aussi inquiétant que les résultats de la France. Ainsi, les personnes plus âgées au Royaume-Uni obtiennent de très bons résultats en littératie, alors que les jeunes adultes se situent en bas du classement. Aux États-Unis, les adultes plus âgés ont des résultats moyens en numéracie, alors que ceux des 16-25 ans sont médiocres.
Pourtant, ces deux pays ont des taux d’emploi très élevés (supérieur à 80%) pour ce qui concerne les adultes possédant les niveaux de compétence les plus élevés, ce qui leur permet par une utilisation quasi optimale des compétences de compenser le danger de pénurie sur le marché de l’emploi. Du moins pour un temps.
En revanche, au Japon, les adultes ont un niveau de compétences très élevé , aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Pourtant, l’usage de ces compétences dans le cadre professionnel n’est pas optimal car un nombre important de femmes travaillent à temps partiel ou ne travaillent pas du tout pour se consacrer à leur vie familiale.
On le voit bien, posséder des compétences et les développer est important pour réussir, mais faire une utilisation efficace de ces talents dans les entreprises l’est tout autant.
4 L’étude PIAAC, comme PISA avant elle, met en évidence les grandes inégalités de la société française.
L’étudie PIAAC montre combien la société française est inégalitaire. On en parlait déjà dans PISA, et on retrouve les mêmes inégalités quand il s’agit d’analyser les compétences des adultes. Entre les jeunes et les seniors, entre les immigrés et les autochtones, entre ceux qui ont des diplômes et ceux qui n’en ont pas, enfin, entre ceux dont les parents sont éduqués et ceux qui ne le sont pas, les inégalités existent partout. Sur toutes ces variables, les écarts sont plus marqués en France par rapport à la moyenne de l’OCDE et expliquent aussi pourquoi la France décroche dans le classement.
Par exemple, alors que les résultats des individus qui n’ont pas de qualifications se situent 14 points en dessous de la moyenne OCDE, ceux des diplômés de l’enseignement supérieur sont très proches de cette moyenne. De même, les individus nés à l’étranger et résidant en France obtiennent des résultats en littératie inférieurs de 37 points à ceux des individus qui sont nés sur le territoire français (contre 29 points de différence pour la moyenne OCDE).
Au final, en France, seules les différences de compétence entre les sexes sont du même ordre de grandeur que la moyenne, voire sont inférieures.
5 Plus les compétences des adultes sont élevées, meilleures sont les opportunités professionnelles. Cependant, certaines compétences sont sous-utilisées par les entreprises en France.
Depuis le début des années 2000, les perspectives d’emploi des personnes hautement qualifiées se sont considérablement améliorées, contrairement à celles des travailleurs moyennement et peu qualifiés, pour qui elles se sont dégradées. En France, comme dans tous les pays participant à l’évaluation, on décèle une relation positive et significative entre d’une part, le niveau de compétence en littératie et en numéracie, et d’autre part, le salaire horaire et la probabilité d’occuper un emploi. Toutefois, en France, cette relation est plus faible que la moyenne.
Plus intéressant encore, PIAAC montre que dans le cadre professionnel, les travailleurs français lisent, résolvent des problèmes complexes et utilisent les nouvelles technologies (TIC) à une fréquence inférieure à la moyenne des pays participant à l’évaluation. En revanche, l’utilisation de l’écriture et, davantage encore, de la numéracie dans le cadre professionnel est plus fréquente qu’ailleurs. On le voit bien à travers cet exemple, il convient d’aider les entreprises, et plus particulièrement les PME, à former les travailleurs et à développer l’utilisation de certaines compétences dans le cadre professionnel.
L’étude PIAAC met en avant la nécessité en France de développer la formation professionnelle.
Le classement de la France dans l’étude PIAAC met une nouvelle fois en avant les échecs des politiques sur le développement des compétences tout au long de la vie. Le problème est bien là, alors que les plus jeunes sont au niveau de la moyenne dans l’enquête PIAAC, il y a un sacré décrochage qui s’opère avec l’âge. Le niveau de compétences des plus jeunes n'est pas inférieur à celui des plus anciens comme on peut l’entendre si souvent dans les discours du moment. Ces résultats démontrent qu’il est nécessaire de donner une place plus importante à la formation professionnelle. Aujourd’hui elle est essentiellement accessible aux plus jeunes et aux plus diplômés alors qu’elle est insuffisamment développée pour les catégories qui en ont le plus besoin, c’est à dire les moins diplômés, les plus âgés, et les minorités.
Il convient donc de veiller à l’avenir à ce que chaque élève prenne un bon départ à l’école mais surtout contribuer à faire évoluer les mentalités, afin que chacun comprenne que la formation ne s’arrête pas à la fin de la scolarité.
Vous pouvez retrouver plus d’infos sur l’étude PIAAC (avec notamment une note sur la France) à l’adresse suivante : http://skills.oecd.org/lesperspectivessurlescompetences.html et regarder la vidéo ci- dessous pour en connaitre un peu plus sur le projet : http://www.youtube.com/watch?v=6Tog1DMQP0c