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PISA 2012 – France : « Des inégalités, encore des inégalités, toujours des inégalités »

PISA 2012 vient de sortir et la couverture médiatique démontre, si besoin était, que la France prend très au sérieux cette étude. L’étude 2012, axée sur les mathématiques, apporte son lot de nouvelles informations dont la plus marquante est la progression fulgurante des pays asiatiques qui trustent aujourd’hui toutes les premières places de l’évaluation. PISA 2012 confirme également que certaines politiques éducatives de grande ampleur, notamment sur la formation des enseignants et la lutte contre l’échec scolaire, ont porté leurs fruits ces dernières années, permettant à un nombre grandissant de pays d’améliorer simultanément leur performance dans PISA et l’équité sociale à l’intérieur de leur système éducatif. Mais qu’en est-il de la France? La France vit-elle son « PISA Schock» comme l’Allemagne en 2000 ou bien opère-t-elle une remontée significative dans le classement PISA ? Les éléments suivants apportent des réponses à ces questions et proviennent de la note de synthèse sur la France que nous avons préparée avec ma collègue de l’OCDE Sophie Vayssettes (http://www.oecd.org/pisa).

La France ne décolle pas dans PISA 2012 et reste au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE. Pire, sa position dans le classement sur les mathématiques est en recul par rapport à PISA 2003

Premier constat, la performance des élèves français de 15 ans en mathématiques se situe au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE dans PISA 2012 (voir graphique 1). Cependant, elle a diminué de 16 points entre PISA 2003 (511 points) et PISA 2012 (495 points), ce qui, en 9 ans, fait passer la France du groupe des pays performants au groupe des pays dont la performance est au niveau de la moyenne de l’OCDE (500 en 2003, 494 en 2012). Le niveau de performance de la France en sciences se situe lui aussi dans la moyenne des pays de l’OCDE, avec un score moyen de 499 points (contre 501 points, en moyenne, dans les pays de l’OCDE), et est resté stable depuis 2006.

Graphique 1 : Performance en mathématiques des élèves de 15 ans dans PISA 2012

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Plus positif, la France se situe légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE en compréhension de l’écrit dans PISA 2012 avec un score de 505 points (contre 496 points, en moyenne, dans les pays de l’OCDE). Ce score est identique à celui qu'elle avait obtenu lors du cycle PISA 2000 mais les écarts entre les bons et les mauvais élèves ont fortement augmenté sur cette période, montrant au passage les difficultés du système actuel à gérer les élèves en situation d'échec scolaire.

 Le système éducatif français est donc toujours « moyen » mais de plus en plus inégalitaire : d’un côté tenu par ses élites, de l’autre se dégradant par le bas avec un échec scolaire grandissant

Deuxième constat, les écarts entre les bons et les mauvais élèves se sont fortement accentués depuis 10 ans. En mathématiques, par rapport aux résultats de 2003, il y a un peu moins d’élèves très performants (niveau 5 ou 6 de compétence) en France (15% en 2003 contre 13% en 2012), mais surtout beaucoup plus d’élèves en difficulté (17% en 2003 contre 22% en 2012), ce qui sous-entend que le système s’est dégradé entre 2003 et 2012, expliquant pourquoi la France régresse dans le classement en mathématiques.

En compréhension de l’écrit : la performance est identique entre 2000 et 2012 mais les écarts entre les bons et les mauvais élèves se sont creusés sur cette période. Point positif : la proportion d’élèves très performants a augmenté de 4 points de pourcentage entre 2003 et 2012. Point négatif : la proportion d’élèves en difficulté a elle aussi augmenté de 4 points de pourcentage sur cette période. Par ailleurs, l’écart de performance en compréhension de l’écrit entre les sexes s'est creusé entre les cycles PISA 2000 et PISA 2012, passant de 29 à 44 points de différence en faveur des filles.

En France, appartenir à un milieu défavorisé est beaucoup plus handicapant que dans la plupart des pays de l’OCDE. De plus, les inégalités se sont creusées depuis 2003

Dernier constat. Quand on est issu d’un milieu favorisé, on a plus de chance de réussir aux tests PISA dans la plupart des pays participants, mais c’est malheureusement encore plus vrai en France. Ainsi, appartenir à un milieu plus favorisé (mesuré dans PISA par une progression d’une unité sur l’indice PISA de statut économique, social et culturel) entraîne une augmentation du score en mathématiques de 39 points, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, et de 57 points en France, soit l’impact le plus important de tous les pays de l’OCDE. Plus encore, les inégalités observées en France se sont aggravées depuis 2003 où cet impact « n’était que » de 43 points, soit déjà l’équivalent de plus d’une année d’études.

Dans la même veine, en France, les élèves issus d’un milieu socio-économique défavorisé n’ont pas seulement des résultats nettement inférieurs, ils sont aussi moins impliqués, moins attachés à leur école, moins persévérants et beaucoup plus anxieux que ceux élèves issus d’un milieu socio-économique plus favorisé. De plus, cet écart est nettement plus marqué en France  par rapport à la  moyenne des pays de l’OCDE, ce qui met en évidence l’échec des politiques éducatives pour supporter les établissements difficiles.

Enfin, dernière inégalité, les élèves issus de l’immigration (c’est-à-dire nés à l’étranger ou nés en France mais dont les parents sont nés à l’étranger) sont nettement plus susceptibles en France (2,3 fois contre 1,7 pour la moyenne des pays de l’OCDE) de compter parmi les élèves en difficulté dans PISA 2012. Même après contrôle du milieu socio-économique, ils accusent des scores en mathématiques inférieurs de 37 points à ceux des élèves autochtones (contre un écart de 21 points, en moyenne, dans les pays de l’OCDE).

Associer qualité et équité, c’est possible

Les résultats de PISA 2012 pour la France sont au niveau de la moyenne des pays de l’OCDE et équivalents à ceux obtenus il y a 3 ans. Ils ne sont donc pas aussi catastrophiques que certaines voix l’ont laissé entendre. Cependant, il ne faut pas se tromper, aujourd’hui le système français ne tient que par ses « élites », n’arrive pas à enrayer l’échec scolaire et stagne au niveau de la moyenne OCDE depuis de trop nombreuses années. Dans le même temps, un nombre grandissant de pays tels que l’Allemagne, l’Estonie, l’Italie, la Pologne, ou encore le Portugal pour ne citer que des pays européens, ont rattrapé leur retard sur la France, voire l’ont dépassée pour certains d’entre eux. Pire encore, pendant que les inégalités s’aggravent en France depuis 2003, nombre de pays déjà performants continuent de progresser. À titre d’exemple, les élèves de 15 ans à Shanghai ont environ trois ans d’avance sur les élèves français dans PISA 2012.

Tous les pays performants (ou qui ont progressé) ont un point commun : ils ont mis en place des réformes efficaces et cohérentes pour rendre leur système plus équitable. Et à chaque fois, le métier d’enseignant était au cœur des réflexions. La France est quant à elle paralysée par le poids des inégalités et c’est d’autant plus dommageable quand on sait que l’un des piliers de la devise de la République française est justement le mot « égalité ». Pourtant, pour réduire les inégalités, de nombreuses pistes émanant des pays de l’OCDE existent. Ainsi, la France pourrait redéfinir le socle commun des compétences et investir massivement dans le primaire pour que chaque élève maîtrise les compétences de base. Ou encore, elle pourrait mettre en place des systèmes de tutorat pour accompagner les jeunes enseignants et créer des incitations pour attirer les enseignants expérimentés à travailler dans les établissements difficiles. Enfin, elle pourrait trouver des alternatives au redoublement pour gérer autrement la difficulté scolaire et surtout développer la formation professionnelle continue pour que les enseignants puissent évoluer tout au long de leur carrière (voir aussi: http://educationdechiffree.blog.lemonde.fr/2013/11/22/1-an-de-blog-et-finalement-peu-de-changements/).

 Certaines de ces mesures sont en place, d’autres sont en discussion ou absentes du débat. Et pourtant, c’est certainement en activant simultanément la plupart de ces leviers que le système s’améliorera.

 


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